Denis Colin Trio
Théâtre du Pavé, Toulouse, 4 octobre 2002
Tout ce qu’on sait, avant que ça commence, c’est qu’on est venu voir le trio de Denis Colin, que Denis Colin joue de la clarinette basse, les autres instruments on a oublié. Il faut avouer aussi qu’on est un peu venu pour André Minvielle, invité annoncé qui se dérobera, tombé dans un chaudron fait-il dire, mais ça on ne le sait pas encore. On constate en revanche que sur scène il n’y a que deux chaises. Donc pas de micros et on se dit, tiens, il n’y a pas de micros, et ils arrivent, Denis Colin avec une clarinette basse, Didier Petit avec un violoncelle, Pablo Cueco avec un zarb et André Minvielle qui n’est pas là et repart donc aussitôt, si bien que lorsque le concert commence on croit savoir tout ce que l’on ignorait encore. Sauf que les trois qui sont là (quatre moins un, et sans micros) nous font bien vite comprendre que ce n’est pas si simple. C’est que ça commence chuintant, loin, mais précis. Ça dit vous avez vu ? Si, regardez bien, chut, attention, ne faites pas de bruit, regardez. Écoutez. Ça nous parle de l’absence, ça explique être ailleurs. Ces trois-là sont les sidemen d’un leader invisible, disparu ou rêvé, dont ils font le portrait là où s’arrêtent leurs intentions. C’est l’histoire d’un endroit où ils ne vont pas, d’un invité qui est venu quand même mais qui n’est pas celui qu’on croyait, qu’ils frôlent pour en dessiner les contours, c’est cette sorte de mime. Bien sûr au début on ne s’intéresse qu’à eux, on est encore un peu sourd, un peu aveugle, et puis on les entend, vous avez vu, chut, si, regardez, écoutez, on est pris par la main et on les suit dans un grand parc, la nuit, ils font venez, venez, vous allez voir, écoutez, et c’est vrai, tandis qu’ils nous entraînent, on sent qu’il y a quelque chose dans cette ombre, qui bouge sous cet arbre, dans ce taillis, nos sens s’aiguisent tandis qu’on les suit, et soudain ils partent en fumée. C’est comme s’ils avaient dit et voilà ! arrivés au but, mais on est seul maintenant dans le grand parc, la nuit, et il n’y a rien encore, presque quelque chose, rien, mais pendant un bout du silence on avait compris, senti, vu, entendu. On veut qu’on nous montre encore, on sait qu’on s’habitue à la nuit dans le parc, qu’ils vont revenir, qu’on refera un tour, que ça recommencera. On se laisse entraîner, attentifs, dans le parc qui n’a pas de bout. On croit qu’à la fin on saura, on sait que non, ce n’est pas important, l’important c’est de deviner, de se douter, de chercher, de suivre.